Le droit à l’erreur : un levier de progrès et de performance
Et si l’erreur devenait un atout ? Loin d’être un simple faux pas, l’erreur peut devenir un levier puissant d’innovation, de motivation et de performance – à condition d’être comprise, encadrée et valorisée. De la culture « test & learning » au modèle HFO (Haute Fiabilité Organisationnelle), cet article explore comment transformer l’erreur en moteur de progrès, y compris dans le service public.

Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.
Comprendre le droit à l’erreur
L’erreur, une réalité à valoriser
➡️ Il ne s’agit pas d’une transgression volontaire dans l’intention de nuire qui pourrait alors être qualifiée de faute et serait soumise à sanction.
➡️ Loin d’être synonyme d’incompétence, elle peut devenir une opportunité d’apprentissage, si elle est reconnue, analysée et partagée.

Le droit à l’erreur : une question de culture
Schématiquement, on distingue 2 dimensions culturelles et stratégiques pour le management de l’erreur :
➡️ Le modèle "Test and learning" où on cultive la prise de risque calculée pour optimiser la qualité et l’innovation.
➡️ Le modèle "HFO (Haute Fiabilité Organisationnelle)", tourné vers la sécurité par la maîtrise du risque et la prévention des défaillances, indispensable dans certains secteurs.
Oser l’erreur pour mieux innover : le modèle « Test & Learning »
Dans ce type d’organisation, la prise de risque calculée est encouragée et l’erreur acceptée voire valorisée et exploitée pour améliorer les performances collectives.
-
✅ Innovation rémunératrice grâce au travail hors zone de confort (la prise de risque calculée peut rapporter gros : il existe de nombreux exemples dans « la Tech »).
✅ Motivation et engagement : l’individu se sent légitimé à proposer, tenter, échouer, recommencer.
✅ Agilité organisationnelle : capacité à s’adapter aux changements et à rebondir (quand on a l’habitude d’expérimenter, on a moins peur de l’inconnu et on développe ainsi ses capacités d’adaptation).
✅ La sécurité psychologique accroit la performance (cf exemple ci-dessous). -
✅ Exemplarité managériale : les dirigeants doivent reconnaître eux aussi leurs propres erreurs et montrer comment ils en tirent parti.
✅ Délégation de responsabilité et confiance dans les équipes.
✅ Encouragement du feedback constructif.
✅ Organisation apprenante basée sur des processus d’apprentissage collectifs : retours d’expérience, groupes « miroir », mentorat/tutorat, compagnonnage…). -
✏️ MAIF : Dans le cadre de son plan stratégique 2008-2014, la grande mutuelle historique (6.000 salariés) française des enseignants de l’Éducation Nationale s’est engagée dans une importante et délicate réorganisation structurelle. À cette occasion, elle a proposé aux 3.500 personnes concernées de choisir entre 2 options : soit conserver leur métier et déménager, soit ne pas déménager mais accepter de changer de métier. Les organisations syndicales ont alors demandé des garanties. La MAIF, a donc signé en 2012 un accord qui admettait qu’un salarié pouvait commettre des erreurs, le temps de se faire à son nouveau métier. Cette expérimentation du « droit à l’erreur » a tellement bien fonctionné que la « tolérance à l’erreur » a été ajoutée à un nouvel accord sur la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux en 2014, de manière à inciter managers et collaborateurs à tirer parti des erreurs et à les considérer comme une source d’amélioration. 1
✏️ Google : Une étude interne a révélé que ses équipes les plus performantes étaient celles où les membres se sentaient psychologiquement en sécurité et en particulier, autorisés à se tromper sans crainte d’être jugés. 2
✏️ BlaBlaCar : L’entreprise formule le management positif de l’erreur au sein de ses 10 valeurs d’entreprise dont « Échoue, apprends, réussis » (pour souligner que l’erreur et les échecs font partie de l’apprentissage) et « Ne présume jamais, contrôle toujours » (pour mettre en avant la rigueur nécessaire à l’évitement des erreurs). 3
✏️ 3M : La charte de cette entreprise valorise l’expérimentation et accepte les erreurs comme partie intégrante de la création. 4
L’erreur maîtrisée : le modèle « HFO »
Dans certains secteurs sensibles la sécurité est fondamentale (santé, aviation, nucléaire…), car l’erreur peut avoir des conséquences lourdes. La culture HFO vise à réduire drastiquement les risques* pour renforcer la sécurité des usagers ou des patients et alléger la pression qui peut se révéler écrasante sur les professionnels du secteur.
*Le risque est un événement potentiel incertain dont la survenue pourrait avoir un impact négatif.
Exemples d’interprétation
✏️ Un risque peu probable mais à fort impact (ex. : accident nucléaire) reste significatif et nécessite une surveillance et des mesures préventives.
✏️ Un risque très probable mais à faible impact (ex. : petite panne informatique) peut être tolérable mais doit être géré dans les opérations courantes.

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✅ Signalement précoce des incidents sans peur de sanction, qui permet d’en réduire la gravité, grâce à une culture non punitive.
✅ Culture de la prévention du risque par le recours à de « bonnes pratiques » qui permet de réduire la probabilité de survenue d’un accident.
✅ Réduction de la charge mentale et de la « pression » chez les professionnels (amélioration de la QVCT).
✅ Management plus humain. -
✅ Des moyens à la hauteur des enjeux (vérification mutuelle, travail en binôme…).
✅ Encouragement du feedback, culture de la transparence.
✅ Solidarité verticale : hiérarchie protectrice et non punitive.
✅ Organisation apprenante basée sur des processus d’apprentissage collectifs : retours d’expérience, groupes « miroir », mentorat/tutorat, compagnonnage…). -
✏️ Chez Air France, une charte de non-punition de l’erreur favorise une communication ouverte pour prévenir les incidents et améliorer les procédures. 5
✏️ À l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, une charte 6 engage les équipes à signaler les événements indésirables pour en tirer des leçons concrètes.
Faire de l’erreur un outil de performance
Fixer un cadre clair
Le droit à l’erreur ne signifie pas tolérance au laisser-aller. Il s’agit de créer un cadre sécurisé :
- En « test & learning » il faut un cadre expérimental assumé, en posant les règles du jeu dès le départ.
- En HFO le recours à des démarches « qualité » est souvent nécessaire.
Sans balises, le droit à l’erreur devient flou, inefficace… voire dangereux.
Tirer les leçons de ses erreurs
Adopter une démarche d’analyse constructive pour transformer l’échec en levier d’amélioration continue.
Méthodologie : les 4 questions clés à se poser pour analyser une erreur de manière constructive :
1️⃣ Qu’est-ce qui a bien fonctionné ?
2️⃣ Qu’est-ce qui a mal fonctionné ?
3️⃣ Qu’avons-nous fait que nous n’aurions pas dû faire ?
4️⃣ Que pourrions-nous faire différemment ?Conclusion
Le droit à l’erreur ne se décrète pas : il se construit, se structure et se cultive.
Il ne s’oppose pas à la performance, il en est un levier, à condition de s’inscrire dans une culture organisationnelle claire, éthique et apprenante.Dans la fonction publique, la reconnaissance du droit à l’erreur n’est pas encore très répandue.
➡️ Déjà reconnu aux usagers depuis 2018 par la Loi ESSOC (loi pour un État au service d’une société de confiance) et dans la fonction publique hospitalière (cf exemple de l’AP-HP ci-dessus), son extension (modèle « HFO » ou « test and learning » en fonction des spécificités des services) aux agents de la fonction publique de l’état et de la fonction publique territoriale permettrait :
- d’encourager la prise d’initiative et l’innovation,
- de développer la motivation et l’engagement,
- d’augmenter l’agilité organisationnelle,
- de réduire la charge mentale liée à la peur de la faute (amélioration de la sécurité psychologique) et en conséquence d’accroître la performance,
- de développer la culture de gestion des risques (le risque zéro n’existe pas).
➡️ Pour ce faire, trois leviers opérationnels pourraient, de manière non-exhaustive, être activés :
- Intégrer le droit à l’erreur dans les Chartes « QVCT ».
- Ancrer la culture « organisation apprenante » dans les services.
- Former les encadrants à la gestion managériale de l’erreur.
➡️ En outre, cette reconnaissance serait de nature à renforcer l’attractivité de la fonction publique, la qualité du service rendu aux usagers et la résilience des équipes, autant de sujets aux enjeux particulièrement prégnants.
Pour aller plus loin
- Cusin, J. et Goujon Belghit A. (2021), Vers une approche contextualisée de la mise en œuvre du droit à l’erreur Finance Contrôle Stratégie
- Prévost, M. (2024, 9 septembre), Le feedback et l’erreur, des alliés de l’apprentissage ? L’interview de Marie Prévost. Lefebvre Dalloz Formation
- Loubeiro, S. (2021), Le droit à l’erreur Éditions Dunod
- Lord, I. (2021, 15 septembre), Se donner le droit à l’erreur pour apprendre et innover ! Revue de gestion HEC Montréal
- Soyez, F. (2025, 5 mars), Manager l’erreur : comment transformer l’échec en apprentissage Courrier Cadres
- Monclos, P. (2022, 19 février), Insuffler le droit à l’erreur : une source d’innovation et d’inspiration en entreprise La Tribune
- Borges, A. (2021, 25 octobre), Du droit à l’erreur au devoir de tester Harvard Business Review France
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